Sur ce quartier se déploie le campus urbain de l’Université Paris-Sud, centre de recherche pluridisciplinaire, avec une excellence dans les domaines scientifiques et de la santé (4 médailles Fields et 3 prix Nobel de physique).
C’est un espace principalement minéral, constitué de bâtiments universitaires et résidentiels, de quelques parcs, et d’infrastructures de transport.
Le premier site d’implantation de la gamme Color Blocks se situe sur la place Hubert Coudane, entourée du bâtiment de l’Université Paris-Sud d’enseignement de la physique, de la Maison de l’ingénieur, de l’IUT d’Orsay et des résidences étudiantes.
Sur cette place centrale, l’EPA souhaitait un mobilier urbain répondant à différents usages et besoins en termes d’éclairage, en plus de protéger et mettre en valeur les vestiges gallo-romains.
Bonjour Alexandre, tu es designer. Peux-tu nous expliquer comment est né le projet Color blocks que tu présentes aujourd’hui ?
Alexandre Moronnoz _ Ce projet a démarré en 2017, avec pour objectif la conception d’une gamme de mobilier urbain pour le quartier de Moulon, avec une première implantation autour d’un site archéologique (vestiges d’une villa gallo-romaine) au centre d’une grande place universitaire, la Place Hubert Coudane.
Le campus est un espace construit, avec des dominantes majoritaires de gris, blanc et noir. J’ai souhaité apporter de la couleur à l’échelle des objets pour rendre l’espace public dynamique et sympathique.
J’ai donc proposé le concept « Color Blocks » à l’EPA : modulaire et adaptable. Comme un jeu de lego, il est constitué de blocs géométriques et colorés, modulaires et fonctionnels, dessiné à la manière de pictogrammes.
Pourquoi avoir fait le choix d’une approche modulaire ?
_Cette approche modulaire et colorée est venue de l’analyse du contexte de la ZAC.
Pour ce site urbain important qu’est le campus universitaire Paris-Saclay, un projet modulaire permet de développer une réponse générique et adaptable, tout en permettant de composer localement des ensembles de mobiliers qui puissent répondre aux multiples besoins des usagers.
La gamme des modules est constituée de deux modèles de socles en BFUP coloré sur lesquels viennent se fixer des plateaux d’usages en acier thermolaqué : des plateaux d’assises simples, aux plateaux avec fonctions intégrées (dossier, tablette, luminaire, audio, agrès, …). Les variations colorées entre les socles (teinte moyenne), les plateaux simples (teinte claire) et les plateaux fonctionnels (teinte vive) créent une vibration et un rythme qui accentuent et soulignent les moments d’usages et d’intensité fonctionnelle. Une logique ludique pour stimuler l’usage de l’espace public (pique-niquer, écouter de la musique, travailler en plein air, faire des exercices sportifs, …).
Pourquoi la couleur a-t-elle un rôle important ?
_ La couleur interpelle dans un environnement majoritairement minéral, elle génère un contact physique et dynamique avec la ville.
Elle vibre et accroche physiquement l’œil : nous percevons d’abord la couleur, puis dans un second temps, la géométrie.
Nous avons choisi une finition « Fine Texture » pour que la couleur s’incarne dans un toucher doux et agréable. La couleur crée du dynamisme dans l’espace public : elle peut dédramatiser un lieu, et favoriser la détente et la convivialité en invitant les usagers à s’approprier le site.
L’organisation, la juxtaposition et la répétition de plusieurs modules colorés génère un rythme visuel qui dialogue avec le contexte technique et scientifique du campus, comme une musique techno, avec un rythme de couleurs pop.
Comment as-tu conjugué la création d’un espace à vivre avec la préservation des ruines archéologiques ?
_ Color Blocks propose un espace agréable autour des vestiges archéologiques, le mobilier sert d’interface entre l’espace public et les ruines. La relation du public universitaire et des usagers avec les vestiges est une caractéristique urbaine importante de ce lieu.
Utiliser du mobilier comme interface d’usage et mise à distance des ruines permet de rendre le site vivant, tout en le respectant.
De la même manière, la proposition d’un éclairage des vestiges par des projecteurs manipulables, intégrés sur plusieurs modules le long du site, et que les usagers peuvent diriger eux-mêmes sur les ruines archéologiques, permet de rendre actif le regard et l’attention portée aux vestiges.
Pour préserver la faune et la flore, et optimiser la consommation d’énergie, les éclairages sont équipés de détecteurs de présence, ils ne se déclenchent qu’à certains horaires, et uniquement en présence d’usagers. Hors de ces périodes, ils demeurent éteints.
Des modules « pupitres » accompagnent les usagers dans la découverte et la lecture sensorielle du site archéologique (design graphique inclusif et fabrication réalisée par Tactile Studio).
Ton approche du projet est expérimentale. Comment travailles-tu au quotidien ?
_ Je démarre un projet de manière à réfléchir librement aux techniques industrielles potentiellement utilisables pour répondre aux usages. La gamme de mobilier utilise de nombreuses technologies différentes pour répondre le plus directement aux bons scénarios envisagés.
J’adopte et conserve une vision générale des usages dans l’espace public, qui englobe aujourd’hui ce qu’on appelle, entre autres, le design inclusif (des mobiliers pour toutes et tous) et le design actif (stimuler le jeu et l’activité physique).
Tout au long de la conception, je privilégie les objets ouverts à plusieurs usages pour concevoir des mobiliers hybrides qui combinent des fonctions habituellement séparées dans l’industrie, comme par exemple, un banc et un luminaire ou un banc et un agrès ou un banc-gradin et une enceinte audio.
Pour assurer la concrétisation d’un tel projet, je reste très attentif à la créativité des acteurs industriels pour anticiper, combiner et agencer intelligemment des savoir-faire qui se complètent alors dans la réalisation.
A ce titre, la collaboration avec un acteur industriel comme TF URBAN est très précieuse car TF favorise les logiques de projets au sein de son entreprise, avec une volonté de challenger les fabrications atypiques, supportées par une créativité technique et industrielle toujours évolutive au sein de TF lab, sa cellule R&D. L’équipe a un savoir-faire métier exceptionnel et une stabilité financière qui lui permet de porter des projets innovants.
Pourquoi avoir choisi de combiner le moulage BFUP et la construction acier ?
_ Les socles de chaque mobilier sont fabriqués en Béton Fibré Ultra – Hautes -Performances (BFUP), qui allient résistance, robustesse et légèreté esthétique. Les socles ancrés au sol abritent les composants techniques qui permettent de faire fonctionner les mobiliers. La réalisation des socles a été confiée à l’entreprise Mobilum, expert de ce matériau et de sa mise en œuvre. Ce matériau conjugue longévité et fine épaisseur, avec un aspect qualitatif et la possibilité de finitions couleur pleine masse et/ou en surface. Avec seulement deux géométries différentes, les socles sont fabriqués en série dans deux moules différents.
A l’inverse, les nombreux plateaux aux fonctions différentes (une vingtaine de modèles ont été conçus) sont construits en acier. Les techniques de tôlerie et de mécanosoudure permettent de répondre à une variété de formes fabriquées à l’unité ou en petite série. Cette fabrication par construction permet aussi d’intégrer tous les équipements électriques et électroniques pour réaliser les éclairages, les tablettes avec plug USB, l’enceinte audio, la borne WiFi publique…
Depuis quand travailles-tu avec notre équipe ?
_ Je travaille avec TF URBAN depuis le début.
J’ai proposé un premier projet à TF URBAN en 2008, pour la fabrication du mobilier Muscle. Un défi de réalisation exposé à l’occasion de la Biennale de Design de Saint-Etienne. C’est l’un des tout premier mobilier urbain sorti de l’atelier TF. Grâce au savoir-faire exceptionnel de chaudronnerie de Mikaël Rigaudon (responsable technique TF Lab), à sa créativité technique, son intuition et sa parfaite connaissance des métaux, l’atelier TF a réussi ce tour de force. Et notre collaboration dure depuis 15 ans !