Cette ligne, née en 1911, accueille 450 000 voyageurs chaque année. Son parcours de 151 km est bordé de paysages de moyenne montagne, le long du Var. Les forêts de pins et châtaigniers, ponctuent les vallons. Le train permet de faire escale dans des villages pittoresques faits de maisons en pierre, où l’on trouve de belles fortifications, et d’impressionnants viaducs. Un morceau du patrimoine des Alpes de Haute Provence y est à découvrir.
Des mobiliers urbains design accueillent les voyageurs le long des quais pour les guider vers leurs destinations, depuis Digne-les-bains, jusqu’à Nice.
En 2015, La région Sud et Les Chemins de fer de Provence lancent un projet d’envergure pour la rénovation des gares et des quais de la ligne du Train des Pignes. Composée de 25 km de réseau urbain en bas de ligne, et 130 km de réseau touristique au nord, tourné vers la nature, le voyage et le paysage.
Partant du constat que les bâtiments des petites gares n’ont plus fonction de lieu d’accueil et se sont pour la plupart transformés (en épiceries, hôtels, restaurants, appartements, etc.), la question s’est posée :
Comment accueillir les voyageurs ? Comment les guider ?
Le porteur de projet fait appel au designer Marc Aurel pour dessiner l’aménagement des quais et concevoir une gamme de mobiliers sur-mesure. TF Urban remporte l’attribution des études techniques et de la fabrication.
Pour accueillir décemment les voyageurs, le studio Aurel design conçoit des panneaux signalétiques qui, dès la sortie du train repositionnent les gares dans leur environnement, en diffusant des informations sur la situation géographique du lieu, indiquant les commerces et points de chute à proximité, sur la partie haute de la ligne qui traverse une grande variété de paysages : forêt, bords de rivière, villages de caractère, viaducs, moyenne montagne jusqu’à 1000 mètres d’altitude.
Train des Pignes – Mobilier de gare – Design by Marc Aurel. Panneau signalétique, abris voyageurs corten et bois, corbeille acier. Gare de Touët-sur-Var et Puget-Théniers
Il y a un besoin de rassurer les voyageurs, même dans la plus petite gare isolée, pour leur dire qu’ils sont les bienvenus
M. Aurel
Pour mener à bien ce projet d’aménagement, le designer a su composer avec plusieurs contraintes : la première est de positionner le mobilier dans un espace dédié, sur une surface étroite pour ne pas trop encombrer les quais afin de faciliter l’accessibilité aux personnes à mobilité réduite. La seconde est la prise en compte d’une grande amplitude de températures entre l’hiver et l’été, les mobiliers doivent être solides et protéger les usagers des intempéries. Ce sont des éléments importants qui ont notamment orienté le choix des matériaux.
Le projet est pensé pour une durée de vie longue (supérieure à 50 ans). L’aménagement prévoit pour chaque quai l’installation de mobiliers robustes : un abri avec assise, un panneau signalétique, un banc et une corbeille qui requièrent très peu d’entretien. Ils sont démontables facilement pour permettre un remplacement de pièces en cas de casse ou de détérioration (systèmes démontables des vitres, lames de bois).
Imaginons des cadres et des espaces protecteurs.
M. Aurel
Habitué à intervenir sur l’espace public, le designer Marc Aurel joue avec ces contraintes et compose avec l’existant. Sensible à la beauté des paysages traversés par cette ligne, il a dessiné des volumes permettant aux voyageurs de s’asseoir dans la nature. Ainsi, les abris, panneaux et bancs ont été spécialement dessinés pour cette ligne ferroviaire.
Les abris isolent et protègent, ils sont ouverts sur le paysage, grâce à leur cadre vitré souligné par des lames de bois. Hauts de 2.50 mètres, ils existent en deux modèles : avec une largeur de 3 et de 3.80 mètres. Grâce à leur profondeur de 90cm, ils encombrent peu le quai et permettent une meilleure accessibilité. Le bandeau supérieur intègre un affichage des directions de la ligne et un éclairage LED, pour le confort des voyageurs. L’intérieur de l’abri est lui aussi habillé de bois, les bancs sont discrets et élégants équipés d’une assise chaleureuse en bois.
Le projet est novateur. C’est aussi une attention particulière aux voyageurs.
J-M. Bouclier
« Le projet est novateur souligne Jean-Marc Bouclier, porteur du projet, chef de service adjoint des Chemins de fer de Provence. Sa spécificité est de proposer un aménagement moderne qui sort de l’ordinaire et valorise le site touristique. On implante de beaux mobiliers qui forment un tout cohérent et harmonieux avec le site, c’est aussi une attention particulière aux voyageurs. C’était une volonté forte du chef de service, Christophe Vidonne, à l’initiative du projet.»
Nous avons imaginé des cadres, pour inviter les voyageurs à s’immerger dans le paysage.
M. Aurel
La gare de Méailles (941 m) se positionne en belvédère, près du viaduc de la Guillaumasse, à flanc de falaise offrant une vue dégagée sur la vallée et la rivière en contrebas du ravin.
La mise en valeur du panorama et des gares pittoresques a tracé le fil rouge de ce projet. La proposition d’aménagement des quais n’est ici pas démonstrative, elle est intuitive parce qu’elle suggère un cadre qui découpe l’espace environnant, sans le parasiter. Elle invite à adopter une posture contemplative face au paysage qui se déploie devant le voyageur fraîchement débarqué.
Pour assurer une intégration parfaite, l’équipe a été attentive aux matériaux présents sur le site tels que les rails en acier patiné et les charpentes en bois. Elle a privilégié l’utilisation de matériaux en adéquation, qui puissent vieillir de façon naturelle avec le paysage : le corten et les essences de bois locales (pin).
Sa patine se forme selon un processus naturel, qui peut être changeant selon différents facteurs (conditions climatiques, épaisseurs, qualité). Sa surface se régénère naturellement, et résiste aux agressions et dégradations fréquentes dans l’espace urbain. Les traces qu’elle dessine : jaunes, oranges et brunes ne sont jamais identiques, ce qui donne au matériau un aspect vivant. Fréquemment utilisé par le designer pour la réalisation de kiosques, d’assises, ou de bacs de floraison, son association avec le bois confère une dimension chaleureuse à son aspect brut, un peu rugueux.
C’est un acier auquel un certain nombre d’éléments, tels que le phosphore, le cuivre, le chrome, le nickel, le molybdène, ont été ajoutés afin d’en accroître la résistance à la corrosion atmosphérique par la formation d’une couche auto-protectrice d’oxydes sur le métal de base sous l’influence des conditions atmosphériques.
Sur les quais du Train des Pignes, les tonalités sont chaudes et accueillantes. Les mobiliers en corten font écho aux traverses métalliques des rails. Les assises et habillages bois dialoguent avec les charpentes des gares. L’ensemble se dessine en harmonie avec le lieu, l’environnement et le paysage.
TF Urban est un électron libre au milieu des fabricants européens de mobilier urbain.
M. Aurel
Au sein de l’équipe TF Urban, le projet a été pris en charge par le TF lab chargé de l’étude de faisabilité des dessins de Marc Aurel, et force de propositions techniques pour répondre aux exigences du cahier des charges. Lors de la mise sur plan, le TF lab a adapté les mobiliers aux normes selon le référentiel de mobilier urbain. L’équipe a rationnalisé la conception des deux modèles d’abris, uniformisé les modèles de pièces pour faciliter les opérations de maintenance (un même modèle de lame, même système d’accroche, même visserie, et même format de vitre pour les deux abris). Une étude de l’écoulement des eaux et de l’accessibilité ont également été réalisées en amont.
« Ce que j’adore avec TF Urban c’est que tout est possible. On vient vous voir avec un plan et on peut tout faire ! Votre bureau d’étude intégré (le TF lab) est très performant, vous êtes agiles pour aller vers l’innovation, et n’êtes pas conditionnés par votre outil industriel, ainsi vos savoir-faire ne sont pas limités. Chez vous on peut associer les matériaux : l’inox, le corten, le bois, le béton, la céramique ».
Grâce à notre collaboration je peux maîtriser le projet de l’esquisse jusqu’à l’installation sur site.
M. Aurel
Un projet d’envergure tel que celui-ci nécessite un partenariat solide entre un designer et un fabricant parce que c’est lui qui va donner corps au projet et le concrétiser. « Dès que le projet est innovant, je me dirige vers vous parce que vous avez le respect de la créativité, du dessin et vous êtes un gage de qualité, avec une réactivité essentielle, il n’y a pas cinquante entreprises qui savent faire tout cela ».
On a vraiment pris la mesure d’une entreprise ancrée dans la tradition industrielle du travail bien fait.
J-M. Bouclier
Jean-Marc Bouclier souligne sa satisfaction d’avoir conduit le projet avec TF Urban avec qui il s’associait pour la première fois : « Cette entreprise est un vrai allié. Une équipe qui a su trouver des solutions et chez qui on sentait une habitude de la maîtrise d’ouvrage. Jusqu’à la pose, en passant par l’affinage des mobiliers après prototypage. »
Nous déployons sur cette ligne une attention particulière, nous cherchons à garder un aspect touristique de qualité.
J-M. Bouclier
Le projet est porté par une vision : maintenir vivant le dialogue entre l’architecture ancienne des gares et la modernité des mobiliers.
« C’est une rupture, nous confie Jean-Marc Bouclier, puisqu’on ne pastiche pas ; on garde la structure et les principes du bâtiment ancien que l’on rénove d’une part, on modernise les quais d‘autre part. La mise aux normes des quais et l’installation de mobiliers modernes impulse la transition entre l’ancien et le moderne. Il était essentiel pour nous de privilégier une association designer et architecte pour porter l’ensemble du projet. »
Le patrimoine est construit par strates, dans une dialectique entre la mémoire et le moderne.
M. Aurel
Heureux d’avoir été sollicité sur la question du patrimoine ferroviaire, Marc Aurel s’interroge sur ce que l’on ressent dans cet environnement. Étant très attentif au patrimoine matériel et immatériel, il nourrit son vocable des éléments présents sur le site sur lequel il est invité à intervenir : « On travaille avec la grande histoire pour composer le présent : dans sa filiation historique et du point de vue sensitif.»
Le dialogue entre les époques est saisissant pour quiconque voyage sur cette ligne. La gare de Puget-Théniers, datant de 1892, offre plusieurs équipements plus que centenaires, en bel état de conservation : une ancienne halle de marchandises, un buffet, un château d’eau, un bâtiment des voyageurs de seconde classe, une lampisterie, deux remises. Le site est dominé par un grand cèdre qui ombrage les quais sur lesquels les mobiliers modernes ont été fraîchement installés.
Elle est desservie quotidiennement par le service standard, et occasionnellement à la belle saison par le Train des Pignes à vapeur tracté par une locomotive E211 à charbon, datant de 1923 restaurée dans sa configuration d’époque et classée monument historique. A l’initiative de l’association du GECP, et entièrement porté par ses bénévoles, le train parcourt un tronçon de 30 km de Puget à Annot, invitant les voyageurs à une expérience immersive à travers le temps.
« TF Urban s’inscrit dans une tradition centenaire »
Les gares remarquables qui font cette ligne activent la mémoire ferroviaire plutôt qu’elles ne la muséifient. Le patrimoine est vivant et mouvant : il dialogue avec le présent, chacun est libre de s’en saisir. Le savoir-faire industriel de TF Urban, qui a permis la fabrication de ces mobiliers fait lui aussi partie du patrimoine : les gestes et la technique sont issue d’une longue tradition industrielle qui a démarré dans la Plaine du Forez en 1922, il y a bientôt cent ans !